UN SIGNE ? ! De Colombo à Katmandou, la jeunesse en révolte embrase l’Asie du Sud
Celui qui, il y a environ 2000 ans, avait déjà remarqué cette particularité, qui constate que rien n'a changé au 21ème siècle, n'avait-il pas aussi prévu et annoncé un autre épisode nettement plus positif ou négatif ? !
La révolution qui a renversé le gouvernement népalais mi-septembre est comme une réplique de soulèvements similaires qui ont secoué le Bangladesh et le Sri Lanka. Derrière le dégagisme de vieilles élites déconnectées, il y a le souffle d’une génération frustrée, analyse le journaliste indépendant indien Yashraj Sharma.
Al-Jazeera
Traduit de l’anglais
Réservé aux abonnés Lecture 4 min. Publié le 26 septembre 2025 à 05h00
Cet article est issu de Réveil Courrier international n° 1821 du 25 septembre 2025 !
De Colombo à Katmandou, la jeunesse en révolte embrase l’Asie du Sud. Dessin de Vlahovic, Serbie
Le portail de fer gronde comme un roulement de tambour sous les assauts de la foule. Une marée humaine s’abat sur les barrages policiers, qui semblaient garder le pouvoir comme des sentinelles.
Bientôt, des milliers de pas résonnent en écho dans les grandes salles de la résidence du dirigeant. Le luxueux édifice, symbole d’une autorité écrasante, impénétrable, inaccessible, a fini, pendant quelques brefs instants, par appartenir au peuple.
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C’est le Népal en ce mois de septembre 2025. Mais c’était aussi le Sri Lanka en 2022 et le Bangladesh en 2024.
Face à la vague de mouvements de contestation guidés par la jeunesse qui ont renversé un gouvernement après l’autre en Asie du Sud, une question se pose : la région la plus peuplée du monde devient-elle l’épicentre des révolutions de la génération Z ?
“C’est tout à fait frappant. Il s’agit d’un nouveau type de politique de l’instabilité”, répond Paul Staniland, professeur de sciences politiques à l’université de Chicago, dont les recherches portent sur la violence politique en Asie du Sud.
Katmandou année zéro
Chacun de ces mouvements de protestation – au Sri Lanka, au Bangladesh et au Népal – a sa propre histoire. Mais les colères qui ont explosé ont un point commun : une génération nouvelle refuse de s’accommoder des vieilles promesses rompues.
À Katmandou, les manifestations de la Gen Z [comme on appelle les jeunes nés dans les années 2000] ont démarré quand le gouvernement a interdit plusieurs réseaux sociaux.
Mais les sujets de mécontentement allaient bien au-delà : les inégalités, la corruption et le népotisme ont été les principaux déclencheurs pour les jeunes, dans un pays où l’argent envoyé par les Népalais partis travailler à l’étranger représente un tiers de l’économie nationale.
Des milliers d’adolescents sont descendus dans la rue, beaucoup encore vêtus de leurs uniformes scolaires. Plus de 70 personnes ont été tuées par balles, et des centaines d’autres blessées.
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En s’en prenant violemment aux contestataires, les forces de sécurité n’ont fait qu’aggraver la crise. Des manifestants ont incendié le Parlement, les sièges de plusieurs partis politiques, les domiciles de certains dirigeants et même les locaux du plus grand groupe de médias du pays. Ils sont également entrés de force dans la résidence du Premier ministre, Sharma Oli, et l’ont pillée. Le lendemain, celui-ci démissionnait.
De Colombo à Dacca
Au Bangladesh, en 2024, la crise a commencé par une campagne, lancée par les étudiants, contre des quotas professionnels discriminants. *** À la suite d’une répression policière qui a fait des centaines de victimes civiles ***, le caractère du mouvement a changé : il s’est mué en une large coalition qui a réclamé la fin du gouvernement autoritaire de la Première ministre Sheikh Hasina, depuis longtemps aux commandes. Le 5 août, elle a fini par fuir Dacca en hélicoptère vers l’Inde voisine.
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Deux ans plus tôt, au Sri Lanka, les manifestations ont eu lieu en réaction à l’effondrement économique du pays, en défaut de paiement. Des coupures de courant, des queues interminables pour l’essence et le gaz de cuisine, une inflation qui dépassait les 50 %… C’est là qu’est né [en mars] le mouvement Aragalaya – “lutte” en cinghalais.
De jeunes activistes ont dressé un camp baptisé “GotaGoGama”, le “village Gotta Go” [“Il faut partir” ou “Gota va-t’en”] devant le secrétariat de la présidence, à Colombo. Une allusion au président Gotabaya Rajapaksa, dont la famille avait gouverné le pays pendant quinze des dix-huit années précédentes. À la mi-juillet, Rajapaksa a fui le pays en catastrophe.
Insoutenable dissonance
Pour Meenakshi Ganguly, du bureau Asie de Human Rights Watch, *** ces trois mouvements de jeunesse ont des fondations communes : une élite politique indéracinable et corrompue qui refuse de se soucier des disparités économiques et se montre incapable de comprendre les défis auxquels sont confrontés les plus jeunes.***
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Or les membres de la Gen Z ont connu deux récessions économiques : en 2008-2009, puis dans le sillage du Covid-19 après 2020. Pendant la pandémie, ils se sont également mis à utiliser les réseaux sociaux comme jamais auparavant. Ces bouleversements se sont produits alors que leurs dirigeants avaient l’âge de leurs grands-parents.
Au moment d’être renversés, Oli, au Népal, avait 73 ans, Hasina, au Bangladesh, 76 ans, et Rajapaksa, au Sri Lanka, 74 ans. “La dissonance est trop forte”, tranche Meenakshi Ganguly :
*** “En Asie du Sud, les jeunes ne parviennent plus à trouver quoi que ce soit qui les rattache à leurs dirigeants politiques.” ***
*** Et c’est ce gouffre entre leur vie et celle des politiciens et de leurs enfants qui sert de moteur à leur colère, ajoute-t-elle. ***
Une question de génération
Les facteurs démographiques sont aussi déterminants : dans les trois pays, les moins de 28 ans représentent près de 50 % de la population, pour un taux d’alphabétisation de plus de 70 %. Or le produit intérieur brut par habitant y reste nettement inférieur à la moyenne mondiale.
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Cela explique pourquoi ces mouvements ont mis l’accent sur les questions socio-économiques plutôt que sur les revendications sécessionnistes de telle ou telle minorité.
La chercheuse Rumela Sen, qui travaille sur les conflits civils en Asie du Sud à l’université Columbia, explique que derrière la colère qui émane de ces manifestations *** “on trouve des aspirations sincères, très démocratiques, favorables à l’inclusion politique, à la justice sociale, et une exigence de responsabilité de la part de leurs élus”.***
*** “On peut considérer que c’est bien une question de génération – l’indignation morale de la jeunesse contre une génération qui lui vole son avenir, précise-t-elle. Les slogans sur la justice, l’avenir, les emplois, associés à leurs connaissances technologiques, donnent un avantage à ces mouvements face aux élites traditionnelles.” ***
Un nouveau manuel de la contestation
Pour l’anthropologue Jeevan Sharma, qui se trouve à Katmandou pour ses recherches, ces mouvements de contestation se sont clairement inspirés les uns des autres – mais aussi d’autres manifestations de jeunesse plus lointaines, comme en Indonésie ou aux Philippines. “La jeunesse népalaise a suivi de près ce qui s’est passé au Sri Lanka et au Bangladesh”, dit-il. Paul Staniland acquiesce :
“Il est certain que ces mouvements s’observent et tirent des leçons les uns des autres.”
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Pour Rumela Sen, les tactiques utilisées au Népal et dans d’autres pays de la région – notamment les campagnes de hashtags sur les réseaux sociaux et le caractère décentralisé des mobilisations – sont les premiers éléments d’un nouveau manuel de la contestation en ligne. D’où une autre question centrale : où aura lieu le prochain soulèvement ?
Yashraj Sharma
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Mon humble commentaire se limite à une simple intuition ! Chut !
Xyzabcd ou Pierre Payen (Dunkerque)
N. B. Est-ce que le biologiste Henri Laborit (1914-1995) était dans l'erreur quand il observait que nous étions des homo mercantilis plutôt que des homos sapiens (C. à d. raisonnables, sages ? !)
Le fait que deux informations fondamentales, datant de 2005 (Génome) et de 2011(Néocortex), aient été enterrées par tout le monde, cela ne signifie-t-il pas que tout le monde voit sans voir, entend sans entendre ni comprendre ? !
Celui qui, il y a environ 2000 ans, avait déjà remarqué cette particularité, qui constate que rien n'a changé au 21ème siècle, n'avait-il pas aussi prévu et annoncé un autre épisode nettement plus positif ou négatif ? !